De l’utilisation des haïtiens dans la campagne électorale américaine: Le cas de la campagne électorale de 2024

 


En période de campagne électorale, les stratégies comptent beaucoup. L’objectif étant de chercher à mobiliser l’électorat, de créer un contraste avec ses concurrents et d’augmenter la visibilité, le candidat utilise donc des techniques de manipulation. C’est pour cela que la communication est primordiale. Aucun discours n’est choisi au hasard, même les dénigrements. C’est cette loupe qu’il faut utiliser pour tenter de cerner les récents propos racistes que le candidat republicain Donald Trump a prononcé à l’encontre des haïtiens lors du débat télévisé contre la vice-présidente Kamala Harris le 10 septembre 2024. Il a déclaré « A Springfield, ils mangent les chiens, ils mangent les chats, ils mangent les animaux domestiques des gens qui habitent là. Voilà ce qui se passe dans notre pays et c’est une honte. »

 

En politique, les techniques de manipulation sont grandement utilisées pour influencer les électeurs. Parmi elles, on trouve la théorie du bouc émissaire de Girard (1972) et la notion de stigmatisation d’Erving Goffman (1963), qui ciblent des groupes spécifiques et illustrent comment des groupes, souvent vulnérables comme les immigrés, sont désignés comme responsables des problèmes sociétaux. Girard souligne que cette désignation permet de détourner l’attention des véritables causes des conflits, tandis que Goffman montre comment la stigmatisation dévalorise et exclut ces groupes par des caractéristiques jugées déviantes. Utilisées, ces techniques peuvent avoir de graves conséquences pour les groupes ciblés, entraînant des souffrances psychologiques telles que le stress, l’anxiété et la dépression. Sur le plan social, ces stratégies exacerbent les divisions et créent un climat de méfiance et d’hostilité au sein de la société. Ainsi, le 12 septembre dernier, une alerte à la bombe a provoqué un vent de panique à Springfield. Certaines familles haïtiennes avouent qu’elles vivent dans la peur à la suite des propos racistes de Donald Trump


En 1930, lAllemagne nazie avait utiliser ll’antisémitisme dans les discours politiques, ciblant les Juifs comme boucs émissaires pour expliquer les difficultés économiques. Certains politiciens francais utilisent l’islamisme radical pour stigmatiser les musulmans. Ce n’est pas la première fois que le candidat Donald Trump et son équipe de campagne prennent les haïtiens pour cible. Lors de la campagne présidentielle de 2016, certaines déclarations politiques ont décrit les immigrés comme des responsables de la montée de la criminalité et des problèmes économiques, alimentant la peur et la méfiance dans l’électorat. Ces stratégies ont non seulement influencé le discours public, mais ont également eu des effets tangibles sur les politiques d’immigration et les attitudes sociales envers les immigrés.


Pourquoi les haïtiens ? En théorie, les groupes cibles sont choisis en fonction de leur vulnérabilité et stéréotypes. Sous cet angle, les haïtiens sont souvent perçus comme un groupe vulnérable, ce qui les rend plus faciles à stigmatiser sans susciter une forte opposition. En plus, les haïtiens, ayant moins de voix politiques influentes aux États-Unis, sont moins susceptibles de riposter vigoureusement à ces attaques, ce qui en fait une cible moins risquée pour un discours polarisant. Cependant, cette fois, des voix se sont élevées pour dénoncer ou soutenir la communauté haïtienne. Parmi elles, on trouve Wyclef Jean, la chancelière haïtienne Mme Dupuy. L’équipe de la NBA, Miami Heat, a publié un communiqué sur ses réseaux sociaux. Selon le Haitian Times, les Haïtiens se sont rassemblés à Long Island pour demander des excuses de la part de Trump et de Vance.

 

En somme, les récents propos racistes de Donald Trump à l’encontre des haïtiens illustrent les mécanismes de manipulation qui soutiennent le discours politique pendant la campagne électorale. En ciblant des groupes vulnérables, les candidats cherchent à détourner l’attention des véritables enjeux tout en renforçant des stéréotypes néfastes. Qu’a-t-il à cacher ? Cependant, cette fois, la réaction de la communauté haïtienne, portée par des voix influentes et des manifestations, montre que la stigmatisation ne sera pas acceptée sans réponse.

HR