Haïti/Insécurité : Le président de facto, Jovenel Moïse, rejette l'offre d'appui technique en matière de sécurité de la Russie.
L’échec cuisant de la tentative de pénétration des forces de l’ordre à Village-de-Dieu, le 12 mars dernier, s’est soldé par la mort brutale de plusieurs policiers. Cette opération, largement médiatisée, a une nouvelle fois choqué l’opinion publique et mis en lumière les failles criantes de l’appareil sécuritaire haïtien.
Pour de nombreux analystes politiques, la responsabilité de cet échec incombe directement au président de facto Jovenel Moïse. Ils dénoncent une politique qui, selon eux, affaiblit la Police nationale d’Haïti (PNH), tout en entretenant des relations opaques avec certains groupes armés. Le pouvoir serait, toujours selon ces critiques, plus enclin à renforcer les gangs qu’à doter la police des moyens nécessaires pour rétablir l’ordre.
En observant les différentes opérations policières menées à Village-de-Dieu au fil des années, un constat s’impose : elles se soldent presque systématiquement par des revers. Les images choquantes de la tuerie du 12 mars ont ravivé les inquiétudes de la population et attiré l’attention de plusieurs puissances étrangères. Parmi elles, la Russie. Par le biais de son ministère des Affaires étrangères, Moscou a proposé d’apporter un soutien technique à Haïti pour restaurer la stabilité politique, assurer la sécurité intérieure et former du personnel qualifié.
Cette offre inattendue de la Russie a été perçue par plusieurs observateurs comme un geste stratégique à forte portée diplomatique. Elle s’inscrit dans un contexte géopolitique tendu, où la Russie ne cache pas son opposition à l'influence américaine en Haïti et dans la région. En effet, Moscou accuse régulièrement Washington d’appliquer une politique de « deux poids, deux mesures » et de fermer les yeux sur les dérives autoritaires du pouvoir en place.
L’offre russe place ainsi le gouvernement haïtien face à un dilemme délicat : accepter l’aide de la Russie pourrait être interprété comme une rupture avec ses alliés traditionnels, en particulier les États-Unis, dont le soutien est crucial pour la survie politique du régime en place. Refuser, c’est tourner le dos à une offre de coopération technique potentiellement utile à la lutte contre l’insécurité.
Sans surprise, Jovenel Moïse a préféré rejeter cette main tendue. Pour justifier sa position, il s’est tourné vers l’Organisation des États Américains (OEA), sollicitant un appui technique en faveur de la PNH afin de mieux lutter contre le banditisme et le terrorisme. Cependant, cette posture est nuancée par un décret présidentiel récemment publié, qui autorise les autorités compétentes à mobiliser toute aide extérieure jugée nécessaire à l’accomplissement de leur mission. Ce texte semble laisser la porte ouverte à d’éventuelles collaborations internationales, malgré les apparences.
Dans un pays où les institutions de sécurité semblent à bout de souffle, le refus d’un appui extérieur soulève de nombreuses questions. S’agit-il d’un choix diplomatique réfléchi ou d’un calcul politique pour conserver un fragile équilibre ? Et surtout, jusqu’à quand le gouvernement pourra-t-il refuser l’aide disponible tout en proclamant sa volonté de restaurer la sécurité ?