Dans un pays en proie à la crise, le sport pourrait-il devenir un levier de reconstruction sociale ? Au-delà des médailles et des compétitions, il incarne un espace d’éducation, de discipline et d’espoir. En Haïti, malgré le désengagement de l’État, des figures locales comme Marc Edwidge Évariste ou des clubs communautaires comme Tornado aux Cayes montrent la voie d’une mobilisation citoyenne par le sport.
Le sport, bien au-delà des performances et des médailles, s’impose aujourd’hui comme un outil de développement aux multiples facettes. Dans des contextes fragiles comme celui d’Haïti, il peut devenir un catalyseur de transformation sociale, économique et humaine. Cette idée est portée avec conviction par des figures engagées telles que Marc Edwidge Évariste, dont le parcours révèle une autre manière de penser le progrès collectif.
Le sport : un levier sous-estimé du développement
Depuis deux décennies, les grandes institutions internationales comme l’UNESCO et le PNUD reconnaissent que le sport peut jouer un rôle de moteur pour le développement. Il permet de renforcer la santé publique, d’encourager la cohésion sociale, de mobiliser les jeunes autour de projets communs et même de créer des dynamiques économiques locales.
Au Rwanda, le sport a accompagné le processus de réconciliation post-génocide. Au Brésil, des projets comme Viva Rio ont fait du football un outil d’éducation citoyenne dans les favelas. Et au Sénégal, la lutte traditionnelle participe à la fois à la vie sociale et à l’économie rurale.
Alors qu’Haïti est confrontée à des défis similaires — fractures sociales, jeunesse désœuvrée, déficit d’espérance — pourquoi ne parvient-elle pas, même en contexte de crise et de faiblesse budgétaire, à faire du sport un levier de reconstruction nationale ?
Marc Edwidge Évariste : une vision civique et communautaire du sport
Face à cette absence d'engagement public structuré, des leaders locaux prennent les devants. C’est le cas de Marc Edwidge Évariste, athlète ayant représenté Haïti à l’international, sensei en arts martiaux, enseignant et ancien candidat à la députation en 2015 au Cap-Haïtien. Pour lui, le sport est une école de vie. Il l’utilise comme un cadre d’éducation, de transmission de valeurs et de mobilisation des jeunes. Dans ses dojos comme dans ses interventions publiques, il insiste sur le rôle du sport dans la construction de la discipline personnelle, du respect de l’autre et du sens du collectif. Il propose ainsi une pédagogie alternative, fondée sur l’expérience, l’encadrement et l’engagement. Il ne suffit pas, selon lui, d’organiser des tournois ou de rénover des stades ; il faut bâtir des réseaux communautaires de formation et de confiance. Sur cet axe, comment les quartiers et les acteurs de proximité peuvent-ils contribuer à faire du sport un véritable levier éducatif et social pour les jeunes ?
Une dynamique freinée par l’absence d’investissement public
Malgré ces engagements citoyens, le contexte institutionnel reste peu favorable. Le Comité Olympique Haïtien notait déjà en 2020 que l’État ne dispose d’aucune stratégie claire en matière de sport. Les infrastructures manquent, les subventions sont dérisoires, et les clubs sportifs survivent grâce à des initiatives individuelles ou de la diaspora. S’ajoute à cela un manque de coordination entre les écoles, les autorités locales, les fédérations et les organisations de jeunesse. Les efforts se dispersent, et la dynamique collective peine à émerger. Dans un tel contexte, les acteurs communautaires — professeurs, pasteurs, animateurs, maîtres d’arts martiaux — doivent-ils se regrouper pour créer des initiatives sportives durables, indépendamment du soutien de l’État ?
Une alternative citoyenne à bâtir
Malgré les obstacles, les perspectives restent ouvertes. L’exemple de Marc Évariste prouve qu’il est possible d’agir avec peu de moyens mais avec une grande vision. Le sport peut devenir un espace de reconstruction identitaire, un terrain d’inclusion sociale et un outil de changement collectif.
En s’appuyant sur les ressources locales, en formant les encadreurs, en développant des activités adaptées aux réalités du pays, Haïti pourrait construire son propre modèle de développement par le sport. Un modèle enraciné, cohérent, progressif — et surtout, porté par la population elle-même. Et si le sport devenait l’un des rares espaces capables de rassembler les Haïtiens autour de valeurs communes, d’un rêve collectif, et d’un avenir construit sur la dignité et le respect ?
Références
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UNESCO (2015). Le sport, vecteur de développement et de paix. unesco.org
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PNUD (2003). Sport for Development and Peace.
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Comité Olympique Haïtien (COH, 2020). Rapport sur les priorités sportives en Haïti
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Études de cas : Viva Rio (Brésil), Politique sportive du Rwanda, lutte traditionnelle au Sénégal.
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Témoignages et parcours de Marc Edwidge Évariste (entretiens, campagne 2015, interventions publiques)