Arrestations et saisies d’armes ont rythmé cette semaine, révélant la profondeur de la crise sécuritaire. Sur le plan politique, les instances internationales multiplient les initiatives, tandis qu’en interne, un projet de Constitution soulève déjà des divisions. Entre crise éducative et programmes pilotes, la société cherche encore des issues. Une séquence où l’urgence sécuritaire côtoie des tentatives de reconstruction institutionnelle.
Sécurité et Gangs
Justice et Institutions
Trois commissaires en huit jours au Parquet de Port-au-Prince : À Port-au-Prince, le Parquet a connu une instabilité fulgurante : trois commissaires du gouvernement se sont succédé entre le 18 et le 25 août 2025, selon la Fondasyon Je Klere (FJKL). Cette valse institutionnelle illustre une justice fragilisée, incapable de tenir tête à la criminalité rampante. Pour la population, cette instabilité n’est pas qu’un détail administratif : elle incarne un État défaillant, dont la légitimité s’effrite jour après jour.
soupçons d’escadrons de la mort au sein de la PNH, la dérive inquiétante : Des révélations publiées le 24 août 2025 avaient mis en lumière l’existence présumée d’unités clandestines au sein de la Police nationale d’Haïti (PNH), accusées d’exécutions extrajudiciaires. Les faits dénoncés remontaient au vendredi 22 août, notamment l’exécution présumée de Morelda et Modeline Louis par des agents de la PNH entre la route de l’aéroport et Carrefour Gérald Bataille. Ces accusations avaient ravivé les inquiétudes sur le respect des droits humains et renforcé l’image d’une institution fracturée, tiraillée entre la lutte contre les gangs et la tentation de dérives autoritaires.
Libération de Nenel Cassy et abandon des poursuites contre des chefs de gangs: Le Parquet de Port-au-Prince avait ordonné, le mardi 19 août 2025, la libération de l’ancien sénateur Nenel Cassy après son audition par le commissaire du gouvernement Frantz Monclair. Quelques jours plus tard, selon un rapport accablant publié par la Fondasyon Je Klere (FJKL) le 22 août, les poursuites ont également été abandonnées contre plusieurs chefs de gangs notoires : Renel Destina alias « Ti Lapli », Johnson André alias « Izo », et Christ-Roi Chéry alias « Krisla »2. Cette décision, largement critiquée, avait été perçue comme un effondrement du système judiciaire haïtien. Elle avait envoyé un signal de tolérance envers la criminalité organisée et nourri un profond sentiment d’impunité généralisée.
Politique et Gouvernance
Réunion tripartite ONU–CARICOM–OEA sur la crise haitienne : Le 27 août 2025, à Washington, une rencontre tripartite a réuni l’ONU, l’OEA et la CARICOM autour de la crise haïtienne. Selon le communiqué final, la sécurité et l’organisation d’élections étaient les principaux points discutés. Toutefois, les divergences persistent : l’OEA cherche à imposer une feuille de route, tandis que la CARICOM défend un dialogue inclusif. Ce bras de fer diplomatique risque de reproduire les ingérences passées qui ont miné la souveraineté du pays.
Projet de nouvelle Constitution remis au gouvernement : Le jeudi 28 août 2025, le Comité de pilotage de la Conférence nationale a remis au Conseil Présidentiel de Transition son projet de nouvelle Constitution, accompagné d’un rapport de plus de 1 400 pages. Une déclaration de non-unanimité soulignait les divisions persistantes entre les secteurs consultés. Malgré une volonté manifeste de réforme, cette initiative a mis en lumière l’incapacité chronique du pays à bâtir un consensus national autour d’une base constitutionnelle solide. Elle reflète les tensions profondes qui entravent toute refondation durable des institutions haïtiennes.
Société et Éducation
Réduction des jours de classe : une génération en péril : Le 27 août 2025, l’enseignant Wilfrid Gilles a alerté sur les conséquences des fermetures répétées d’écoles liées à l’insécurité et aux grèves. Le nombre de jours de classe est en chute libre, hypothéquant l’avenir éducatif de milliers d’élèves. Cette situation accentue les inégalités sociales et territoriales dans un pays déjà marqué par un déficit chronique d’accès à l’éducation.
Lancement du programme « École de seconde chance » : Le jeudi 28 août 2025, à Delmas, le Bureau du Secrétaire d’État à la Population et au Développement Humain (BSEPDH) et l’UNFPA ont signé un accord de partenariat pour lancer le programme « École de seconde chance ». Destiné aux jeunes défavorisés exclus du système scolaire, ce projet pilote vise à leur offrir des compétences professionnelles et un accompagnement vers l’emploi. Bien que prometteur, le programme reste fragile, confronté à l’insécurité ambiante et au manque de ressources financières.
Alphabétisation : une nouvelle offensive annoncée : Le mercredi 27 août 2025, Me Mozart Clérisson, nouveau secrétaire d’État à l’Alphabétisation, a promis de redynamiser ce secteur longtemps négligé. Lors d’une séance de travail avec les cadres de son institution, il a annoncé la réouverture de tous les centres de formation d’ici octobre, affirmant que « chaque citoyen alphabétisé est un acteur potentiel du changement ». Dans un pays où près de 40 % des adultes restent analphabètes, cette initiative suscite à la fois espoir et scepticisme. Sa réussite dépendra de la sécurisation des zones d’intervention et de la mobilisation de ressources pérennes
Culture
Commémoration du 23 août : hommage aux femmes dans la résistance : Le 23 août 2025, à l’occasion de la Journée internationale du souvenir de la traite négrière, des organisations de la société civile ont organisé veillées, conférences et expositions pour honorer les femmes dans la résistance à l’esclavage. Cette commémoration, soutenue par l’UNESCO et le Comité national de la Route de l’esclave, a mis en lumière leur rôle essentiel dans la Révolution haïtienne et leur résilience face aux oppressions passées et présentes. Au-delà de l’hommage, cet acte mémoriel rappelle que la mémoire historique est une force vive pour renforcer l’identité collective et nourrir les luttes contemporaines pour la dignité et la justice
Rapport accablant sur la spoliation foncière
Le samedi 23 août 2025, un rapport publié par des organisations rurales a dénoncé la spoliation foncière orchestrée par des élites économiques et politiques haïtiennes. Le document, centré sur les régions du Grand Nord et du Nord-Est, révèle des accaparements massifs de terres sous couvert de projets fictifs, avec des noms et montages précis. Il appelle à des réparations et à une réforme profonde de la gouvernance foncière. Au-delà des chiffres, cette publication expose la dimension structurelle des inégalités sociales et la responsabilité historique des élites dans la marginalisation des plus pauvres
Face à l’instabilité sécuritaire, à l’effondrement judiciaire, aux ingérences internationales et à la crise éducative, comment Haïti peut-elle bâtir un projet national qui s’appuie sur la mémoire historique, l’éducation et la souveraineté populaire pour sortir du cycle de dépendance et d’impunité ?