Du 31 août au 6 septembre 2025, Haïti a encore traversé une semaine de contrastes brutaux, où l’illusion politique se heurte à la violence du quotidien. Des quartiers réduits en cendres par l’insécurité aux scandales de corruption qui éclaboussent l’administration, en passant par un projet constitutionnel contesté, le pays oscille entre chaos et promesses non tenues. Dans ce tumulte, la voix citoyenne demeure en marge, étouffée par l’inaction de l’État et la mainmise des groupes armés. Plus que jamais, l’urgence d’un sursaut collectif s’impose.
SECURITE
14 maisons incendiées à Gerlin, familles en déroute à Kenscoff : Dans la nuit du 31 août au 1er septembre 2025, des hommes lourdement armés ont attaqué Gerlin (4e section de Belle Fontaine, Kenscoff), incendiant 14 habitations et provoquant la fuite de dizaines de familles, selon des témoignages locaux et les autorités municipales relayés par la presse (article de terrain). L’épisode intervient dans un cycle d’attaques documenté plus tôt cette année par un flash report de l’ONU à Kenscoff (262 morts entre janvier et mars), montrant la persistance d’une stratégie de terre brûlée contre les ruraux. La signification est double : désorganisation des débouchés agricoles et dépeuplement forcé de micro-territoires, avec des conséquences directes sur l’autonomie alimentaire. Ces faits confirment que le retour sécurisé n’est pas crédible sans opérations coordonnées de protection et de rétablissement des services publics.
Artibonite Jacques Ader face au défi du gang Gran Grif : Dans l’Artibonite, le délégué départemental Jacques Ader a durci le ton contre le gang Gran Grif, accusé d’imposer sa loi dans plusieurs localités rurales. Cette prise de position traduit l’exaspération des autorités locales face à une criminalité qui sape la sécurité, entrave la circulation et asphyxie l’activité agricole. Mais au-delà du discours, la population attend des actions concrètes : sans moyens opérationnels et sans coordination nationale, la fermeté verbale risque de rester symbolique, alors que le gang continue d’élargir son emprise sur le territoire.
POLITIQUE
Révision constitutionnelle, le Barreau dénonce une dérive autoritaire : Le 1er septembre 2025, la Primature a annoncé, par communiqué, une rencontre entre le Premier ministre et le Barreau de Port-au-Prince consacrée à l’avant-projet de réforme constitutionnelle. Dans un contexte marqué par une forte montée des tensions, le Barreau a rappelé la force obligatoire de l’article 284-3, qui prohibe toute révision de la Constitution par voie référendaire. Cette prise de position met en évidence les risques de litiges et souligne la nécessité urgente d’un cadre procédural consensuel, seul capable de prévenir toute illégalité. Faute d’un tel cadre, le texte, même adopté, resterait vulnérable à des contestations judiciaires susceptibles d’ébranler la stabilité de l’État de droit.
Consultation en novembre, entre précipitation et contestation juridique : Début septembre 2025, plusieurs médias locaux ont révélé des tractations en cours autour d’une possible consultation populaire dès novembre. Cette initiative, portée par le pouvoir exécutif, suscite une vive controverse, notamment du côté du Barreau de Port-au-Prince, qui dénonce une « fraude constitutionnelle » en référence à l’article 284-3 de la Constitution de 1987, interdisant toute révision par voie référendaire
Remaniement en suspens face au refus de déclarer les patrimoines : Les 4–5 septembre 2025, des sources politico-médiatiques ont évoqué un remaniement lié au refus de certains ministres de déposer leur déclaration de patrimoine, malgré l’accent mis par l’ULCC sur une progression des dépôts ces trois dernières années. Au-delà du signal politique, l’enjeu est d’institutionnaliser la transparence comme condition d’accès/séjour aux fonctions. Conséquence : un remaniement sans mécanisme contraignant risquerait de reproduire les mêmes blocages.
CORRUPTION
Dénonciations et plainte à l’ULCC contre la Caisse d’Assistance Sociale : Des employés de la Caisse d’Assistance Sociale ont publiquement dénoncé la gestion de la directrice Erzile Rémy, en rappelant une plainte déposée à l’ULCC à la mi-août. Le 3 septembre 2025, ils ont exigé l’ouverture d’une enquête sur l’utilisation des fonds et sur les arriérés de salaires. Cette affaire illustre la vulnérabilité des programmes sociaux dans un contexte de gouvernance fragilisée, où la transparence conditionne l’acceptabilité de l’aide. Sans reddition de comptes, le filet social s’érode et la pauvreté des ménages ciblés s’aggrave.
La FJKL réclame des poursuites après les révélations de Nènel Cassy : La Fondasyon Je Klere (FJKL) a exigé, le 1er septembre 2025, l’ouverture de poursuites judiciaires contre Frantz Monclair et Patrick Pélissier pour corruption et abus de fonction, à la suite des révélations de l’ex-sénateur Nènel Cassy. Dans son communiqué, l’organisation présente cette demande comme une étape essentielle dans la lutte contre l’impunité, condition préalable à toute reconstruction institutionnelle. L’affaire constitue également un test pour l’indépendance du parquet et pour la capacité de l’ULCC et de l’UCREF à soutenir des poursuites efficaces.
CULTURE
À New York, la diaspora haïtienne transforme le Labor Day en vitrine de puissance : Le New York Carnival / West Indian Day Parade a rassemblé, le 1er septembre 2025, des foules sur Eastern Parkway, marquées par une forte présence haïtienne à travers camions, artistes et collectifs, malgré quelques incidents en soirée. Dans un contexte d’épreuves nationales, la diaspora démontre une puissance culturelle et une capacité d’organisation précieuses pour tisser des réseaux d’entraide, d’investissement et de plaidoyer. Cette visibilité pourrait se transformer en véritable diplomatie citoyenne, à condition de dépasser le simple registre festif et de se structurer durablement.
ECONOMIE
Terres fertiles sacrifiées à Limonade au profit du béton : Un reportage local, publié le 6 septembre 2025, a mis en lumière la bétonisation de terres agricoles à Limonade, qualifiée de véritable “massacre” foncier. Ce phénomène illustre une urbanisation désordonnée qui menace à la fois la sécurité alimentaire et l’environnement. Au-delà de ce cas précis, les antécédents universitaires et fonciers dans la zone rappellent l’urgence d’études d’impact et de mécanismes de zonage juridiquement contraignants. Faute de planification et de cadastre effectif, la disparition progressive de surfaces cultivables risque d’alimenter l’inflation alimentaire et d’accroître la dépendance du pays aux importations.
Insécurité la FAA prolonge l’interdiction des vols américains vers Port-au-Prince : Face à une situation sécuritaire toujours instable en Haïti, la Federal Aviation Administration (FAA) a décidé de prolonger l’interdiction des vols commerciaux américains à destination de Port-au-Prince. Cette mesure traduit la persistance des risques élevés pour les équipages et passagers en raison de la violence armée qui affecte l’aéroport et ses environs. Elle illustre aussi l’isolement croissant du pays, privé d’une partie de ses liaisons internationales les plus stratégiques. Pour l’économie comme pour les familles séparées, l’impact est lourd, renforçant l’impression d’un pays coupé du reste du monde.
Du 31 août au 6 septembre 2025, Haïti a de nouveau révélé sa fragilité : quartiers incendiés, déplacés forcés, Constitution contestée et scandales de corruption. Entre chaos et illusions de refondation, il ne suffit plus de constater : il faut agir. La vraie question est simple : comment transformer notre mémoire collective en force d’action pour reconstruire la nation ? Car l’avenir d’Haïti ne pourra pas se décider dans les salons du pouvoir ni par les armes des gangs, mais dans la lucidité, la solidarité et le courage d’un peuple qui refuse la résignation.