Haïti entre massacres, résistance et diplomatie en trompe-l’œil

 



La semaine du 7 au 13 septembre 2025 a révélé toutes les contradictions de la réalité haïtienne : d’un côté, des massacres et des résistances populaires face à l’emprise des gangs ; de l’autre, une gouvernance de transition engluée dans ses promesses non tenues et un système judiciaire fragilisé par la corruption. Pendant ce temps, la société civile multiplie les initiatives pour l’éducation et l’environnement, tandis que la diplomatie internationale tente de redessiner son rôle en Haïti.


Violence

Massacre de Labodrie l’État reste muet face à 42 victimes : entre l’après-midi du jeudi 11 et le vendredi 12 septembre 2025, selon un rapport de Défenseurs Plus, des hommes lourdement armés ont tué 42 personnes, dont un enfant de 4 ans, dans la localité de Labodrie (commune de Cabaret). L’événement s’inscrit dans une série de massacres documentés depuis avril 2024, qui dépassent désormais la vingtaine. Le silence de la Primature révèle une incapacité de l’État à protéger ses citoyens et accentue le sentiment d’abandon.

Arcahaie quatre jours de résistance populaire face à Viv Ansanm : Du 7 au 10 septembre 2025, les habitants de l’Arcahaie ont opposé une résistance acharnée aux assauts du regroupement armé « Viv Ansanm », selon des articles de la presse locale. Cette mobilisation citoyenne a empêché l’occupation totale de la ville, au prix de nombreuses victimes et de destructions matérielles. Ce type de résistance, rare mais significatif, illustre une volonté populaire de rompre le cycle de la terreur imposé par les gangs.




Politique & Gouvernance


Saint-Cyr présente fièrement une reconquête fantôme : La Primature a annoncé la prise de contrôle du centre-ville de Port-au-Prince comme un signe de restauration de l’autorité de l’État, selon un communiqué officiel. Cette opération, mise en avant devant l’ONU, est censée illustrer les progrès sécuritaires du président du CPT, Laurent Saint-Cyr. Pourtant, la zone reste presque vide et toujours sous menace armée, comme le soulignent plusieurs observateurs. Cette vitrine diplomatique accentue la rupture entre la communication politique et la réalité quotidienne des citoyens

Échec d’un mois de gouvernance au CPT : La semaine écoulée, plusieurs éditoriaux ont dressé un constat sévère : un mois après l’entrée en fonction de Laurent Saint-Cyr à la tête du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), le bilan reste désespérément mince. Les engagements annoncés n’ont pas été suivis d’actions concrètes, et aucune réforme majeure n’a été amorcée — ni en matière de restructuration institutionnelle, ni dans la lutte contre l’insécurité, ni sur le plan de la transparence administrative. Pendant ce temps, les gangs continuent de contrôler des zones stratégiques sans réelle opposition. Face à cette inertie, la population manifeste une défiance croissante, convaincue que le CPT, malgré sa présidence tournante, demeure prisonnier de ses luttes internes, loin des urgences nationales.



Corruption & Impunité

Corruption sans archives, le système nettoie ses traces : Selon des médias de la capitale haïtienne, le regroupement Ecc a révélé, dans une conférence de presse, que plus de 40 % des dossiers judiciaires relatifs à la corruption sont introuvables dans les archives officielles. Cette disparition fragilise davantage la confiance envers la justice et confirme la mainmise des réseaux politico-financiers. Elle illustre aussi une stratégie d’enterrement des affaires sensibles.

Douanes : surcharges abusives qui étranglent la population : Selon plusieurs médias et observateurs économiques, les décisions douanières prises sous le gouvernement d’Ariel Henry ont entraîné une surtaxation excessive, portant le coût réel d’importation d’un véhicule à plus de 100 % de sa valeur déclarée.  À ce jour, aucune note officielle de la Cour supérieure des comptes n’a été publiée pour confirmer ou infirmer ces pratiques, mais les révélations suscitent une forte critique de la politique fiscale et douanière passée.


Société

Campagne nationale d’alphabétisation :  Le 8 septembre 2025, Journée internationale de l’alphabétisation, le gouvernement a lancé une campagne visant 1,5 million de personnes analphabètes. Selon le ministère de l’Éducation, ce chiffre représente un frein majeur au développement. Bien que l’initiative soit saluée, les observateurs soulignent la fragilité des moyens et la nécessité d’un suivi à long terme.

Cap-Haïtien : guerre aux détritus
Le 07 septembre 2025,La mairie du Cap-Haïtien, en partenariat avec le SNGRS et le TPTC, a lancé une vaste campagne municipale de nettoyage baptisée « Konbit », visant à améliorer l’hygiène publique par l’installation de nouveaux bacs à ordures et le concours « Katye pam pi pwòp » pour impliquer les habitants dans l’embellissement de leurs quartiers. Cette initiative traduit une volonté forte de restaurer l’image de la ville tout en mobilisant la communauté autour d’un objectif commun.


Diplomatie

Vers une mission « anti-gangs » reconfigurée : Au début de septembre 2025, le Conseil de sécurité de l’ONU a intensifié ses discussions sur la reconfiguration de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS) en Haïti. L’objectif : recentrer l’intervention sur la lutte contre les gangs armés. Plusieurs délégations ont également proposé la création d’un Bureau d’appui des Nations unies pour Haïti, afin de renforcer le cadre logistique et politique de l’action internationale. Cette transformation, jugée urgente par certains États, suscite toutefois des réserves diplomatiques, notamment sur le contrôle des armes et la nature du mandat futur

CARICOM salue le projet de résolution du 7 septembre 2025 sur l’assistance sécuritaire en Haïti: Le 7 septembre 2025, CARICOM a salué avec intérêt le projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, initié par les États-Unis et le Panama, qui propose de renforcer l’assistance sécuritaire en Haïti. Le communiqué rend hommage à l’apport de la Mission multilatérale de soutien à la sécurité (MSS), menée par le Kenya, et à ses bailleurs. Ce projet inclut la transformation de la MSS en une « Gang Suppression Force » dotée d’un effectif maximal de 5 500 hommes et d’un mandat renforcé, ainsi que la création d’un Bureau d’appui onusien pour appuyer cette force.


Ces événements mettent en lumière une fracture profonde entre la survie citoyenne et la communication étatique. Le peuple continue de payer le prix de la violence et de l’impunité, alors que la gouvernance demeure paralysée et que la diplomatie cherche à se légitimer. La vraie question est la suivante : Haïti peut-elle encore se contenter de discours politiques et diplomatiques, ou doit-elle engager une refondation à partir de la force de ses communautés et de son capital citoyen ?