Le 19 septembre 2025, l’ULCC a arrêté l’ancien maire de Ouanaminthe, Démétrius Luma, accusé de détournement de fonds publics et d’abus de pouvoir. Quelques semaines plus tôt, c’est l’ex-directeur général de la Télévision nationale d’Haïti, Gamall Jules Augustin, qui avait été renvoyé devant le Parquet pour malversations et falsification de documents. En novembre 2024, un inspecteur de la DGI à Hinche a même été condamné à quatre ans de prison, une rareté dans un pays où les procès pour corruption sont presque inexistants. Mais une première question surgit : ces affaires touchent-elles le cœur du système ?
Car derrière ces annonces, une évidence demeure. Les grandes fortunes qui contrôlent les douanes, les importations, les exonérations fiscales, ou qui financent les campagnes politiques, ne sont jamais inquiétées. Les oligarques, souvent cités dans les rapports, continuent d’agir sans crainte. Pourquoi l’ULCC frappe-t-elle surtout des cibles intermédiaires, alors que les véritables centres de pouvoir restent intouchables ?
La population, elle, attend un signal clair. Elle sait que les milliards du PetroCaribe, les contrats publics surfacturés ou les exonérations illégales ne profitent pas aux petits fonctionnaires arrêtés. Elle veut voir enfin tomber un nom qui incarne la responsabilité réelle de l’appauvrissement national.
L’ULCC s’affiche, mais en réalité elle se limite aux « petits poissons ». On sanctionne un maire, un inspecteur ou un ancien DG, mais jamais ceux qui financent et profitent réellement de la corruption à grande échelle. Le contraste est frappant. Et cela envoie un message dangereux : il y a une justice pour les faibles, et une impunité pour les puissants.
La population n’est pas dupe. Elle sait que les milliards du PetroCaribe n’ont pas disparu entre les mains d’un simple comptable. Elle sait que les monopoles et les exonérations fiscales ne profitent pas aux petits fonctionnaires. Elle attend un signal clair : voir enfin tomber un gros poisson, une figure qui incarne la responsabilité réelle de la crise économique et sociale du pays.
La lutte contre la corruption ne pourra être crédible que si elle s’attaque aux sommets : aux décideurs politiques, aux chefs d’entreprise intouchables, aux réseaux financiers. Cela exige du courage, de l’indépendance judiciaire, et une volonté politique réelle. Tant que ce pas ne sera pas franchi, l’ULCC restera un outil limité, incapable de briser le système d’impunité qui étrangle Haïti. Cependant, la dernière question reste entière : la lutte contre la corruption servira-t-elle enfin à libérer le pays des grands prédateurs, ou restera-t-elle un théâtre qui sacrifie les petits pour protéger les puissants ?