Haïti : Un dernier, et on repart… pour un nouvel épisode politique.





Laurent Saint-Cyr lors de son discours d’investiture en tant que président du CPT, le 7 août 2025, à la Villa d’Accueil –
 Source : Gazette Haïti.



Le 7 août 2025, un nouveau visage a été placé à la tête du Conseil Présidentiel de Transition : Laurent Saint-Cyr, figure du secteur privé, succède à Fritz Alphonse Jean dans un silence presque ordinaire. Ni liesse, ni rupture. Juste la mécanique bien huilée d’un pouvoir provisoire qui se perpétue, pendant que le peuple, lui, regarde — exclu, résigné. Encore un dernier, puis un autre… mais vers quelle sortie ?



Jeudi 7 août 2025, Laurent Saint-Cyr prend officiellement la tête du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), succédant à Fritz Alphonse Jean lors d’une cérémonie sobre à la Villa d’Accueil. Il devient ainsi le nouveau visage d’un mécanisme qui, depuis des décennies, orchestre le provisoire comme modèle politique. Dans un pays où l’urgence est permanente, où le peuple est exclu du processus décisionnel, ce changement d’homme ne semble ni émouvoir ni soulever d’espérance. Car au-delà de l’image, une question hante les esprits : et après ce dernier… que recommence-t-on encore ? La boucle est-elle sans fin ? Ou s'agit-il simplement d'une autre transition, sans transformation ?


Laurent Saint-Cyr est issu du secteur privé haïtien. Il n’est ni militant, ni parlementaire, ni homme de terrain populaire. Il est gestionnaire, entrepreneur, stratège. Il a dirigé les chambres de commerce et représenté les intérêts d’affaires à l’échelle nationale et internationale. C’est à ce titre qu’il a été désigné au sein du CPT. Sa présidence, loin d’un choix démocratique, incarne la place dominante que le secteur privé s’est forgée dans l’architecture de la transition haïtienne.
Son premier discours, intitulé “Kouraj ak Espwa”, s’est voulu rassembleur, solennel, et porteur de symboles. Mais il n’a ni annoncé de rupture ni formulé d’engagements précis. Aucune ligne claire sur l’insécurité. Aucune articulation institutionnelle. Aucune mention des déplacés, de la faim, des écoles fermées, des zones abandonnées. Ce fut un discours sur l’espoir… sans que ceux qui doivent espérer aient été évoqués. Le ton était propre, mais le fond, flou.
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Et ce flou n’est pas anodin. Car au-delà des mots, la figure même de Saint-Cyr soulève plusieurs controverses : sa double nationalité supposée, ses absences prolongées dues à son engagement académique à Yale, sa présence symbolique mais distante lors de moments-clés de la transition, ou encore les soupçons d’irrégularités financières lorsqu’il siégeait au Haut Conseil de la Transition. Ces faits posent question : peut-on diriger un pays à distance, en gestion partielle, et sous tension morale ?
Mais le problème va au-delà d’un homme. Ce qui se joue, c’est la banalisation d’un cycle : conseil provisoire, président tournant, discours d’ouverture, attente, déception… puis silence. Le peuple, lui, regarde. Il n’intervient plus. Il ne proteste même pas. Il constate. Parce qu’il sait que les transitions passent, mais que lui reste, toujours plus loin du pouvoir, toujours plus proche de la chute.

 

À chaque changement de président du CPT, les noms changent, mais le scénario reste identique. On appelle cela une transition. Mais pour beaucoup, c’est une stagnation organisée. La présidence tournante, censée équilibrer les forces, semble surtout entretenir la confusion et le détachement. Dans ce théâtre politique où les rôles sont distribués à huis clos, le peuple est relégué aux gradins. Spectateur silencieux de sa propre mise à l’écart. Laurent Saint-Cyr parle de courage et d'espoir. Mais ira-t-il au-delà des discours pour affronter ce que le système cache ?